Michael Longley’s Wounds
A translation into French of Michael Longley’s 1973 poem, Wounds:
Blessures
De la tête de mon père me viennent ces deux images —
Gardées au secret jusqu’aujourd’hui :
D’abord, la division d’Ulster sur la Somme
Franchissant le parapet avec des « On emmerde le Pape ! »
« On se rendra pas! » ; Ce garçon à l’agonie
Qui hurle : « Foutez-leur le bonjour des gars de Shankill ! »
« Plus féroces que les Gurkhas » disait mon père,
Admiratif et stupéfait.
Ensuite ce prêtre écossais de Londres
Qui, d’un revers élégant de la main et d’une prière,
Réarrangeait les kilts avec son bâton.
À travers ce paysage de fesses putréfiées,
Mon père le suivit pendant cinquante ans.
Enfin, victime sur le tard,
Il annonça – souffrant des traces de plomb enflammées –
« Je meurs pour mon roi et ma patrie, lentement ».
J’ai touché sa main et puis sa tête maigre j’ai touchée.
Pour lui rendre, d’une façon, les honneurs militaires,
Décoré de ses insignes, de son arc-en-ciel de médailles,
Et de sa boussole, j’enterre maintenant près de lui
Trois soldats adolescents, le ventre plein
De plomb et de bière irlandaise, la braguette ouverte.
Avec eux je jette un paquet de Woodbines,
Un briquet Lucifer, Le Sacré Cœur de Jésus,
Pétrifié quand les mitraillettes ont éteint
Pour toujours la veilleuse dans une garderie,
Et aussi un uniforme de contrôleur de bus —
Il tomba près de ses charentaises
Sans un murmure, tué d’une balle dans la tête
Par un garçon tremblant entré presque par hasard
Avant qu’ils ne baissent le son de la télévision
Où que le dîner ne soit débarrassé.
Aux enfants, à sa femme stupéfaite,
Je pense qu’il dit seulement « Désolé m’dame ».